Pourquoi l’additionalité est-elle critique pour la finance d’impact ?

SmartB
6 min readOct 6, 2021
Aliaksandr Zadoryn

Partie 4 : Prouver et partager son impact

Une fois que les méthodologies standards et que les indicateurs pour mesurer l’impact ont été choisis par les gestionnaires d’un fond, il est nécessaire de concevoir et de mettre en action sa démarche d’impact globale.

Mettre en place sa démarche

Lors de la mise en oeuvre de sa démarche d’impact, selon France Invest un fond doit formaliser sa démarche d’impact sur l’ensemble du cycle d’investissement. Cette démarche doit être ajustée au type ou secteur d’activité des entreprises, avec des objectifs d’impact définis en amont (intentionnalité) et doit définir les moyens à mettre en œuvre. La démarche d’impact du fond se matérialise notamment par une sélection pro-active d’entreprises en fonction des impacts attendus des investissements. Pour cela, les gestionnaires effectuent une cartographie préalable des thématiques d’impact et des externalités. Ils s’engagent ensuite dans une démarche de pilotage des externalités positives et négatives pour garantir la cohérence des objectifs attendus par les investissements.

La stratégie d’impact déployée implique la mise en oeuvre d’un dispositif de gouvernance ****adapté avec une mobilisation claire des équipes et des instances de gouvernance. Les ressources nécessaires pour la mise en œuvre (comité d’impact, présence d’un expert impact au conseil d’administration de la société de gestion ou du fond, …) doivent aussi être définies, planifiées et attribuées.

Enfin un dernier point clé pour la réussite d’une démarche d’impact est d’exprimer clairement l’intensité, la portée et les bénéficiaires de l’impact.

La thèse d’impact doit en effet être clairement définie et être compréhensible par tous. Elle devrait ainsi se traduire par une politique d’investissement alignée sur des objectifs d’impact recherchés apportant autant que possible une contribution aux Objectifs du Développement Durable ou d’autres catégories d’objectifs reconnus.

Accompagner sur le long terme

La démarche d’investissement définie, la définition d’un horizon d’investissement le long terme permet de viser une pérennité des activités de l’entreprise. Cet horizon s’évalue au regard des pratiques de chaque classe d’actifs.

Elle se traduit ensuite par l’engagement des équipes de gestion au côté des dirigeants pour les aider à maximiser l’impact, réduire les éventuelles externalités négatives et faire progresser l’entreprise dans sa génération d’impacts. Cette implication des équipes de gestion est d’ailleurs un point clé de la stratégie d’investissement. elle permet d’assurer l’alignement de la démarche avec les objectifs initiaux, d’évaluer l’évolution du contexte, des moyens de mesure et que des résultats obtenus produisent (au moins) l’additionalité attendue.

La confiance dans la mesure de l’additionalité est délors un élément clé dans la relation de l’investisseur avec l’entreprise. Elle permet en particulier de mettre en oeuvre des mécanismes d’alignement des intérêts financiers avec la démarche d’impact. Il devient alors ainsi possible de mettre en place une rémunération variable basée sur un mécanisme par lequel les critères d’additionalité (résultants de la mesure d’impact) déterminent tout ou partie de la rémunération de l’investisseur et/ou du gérant. Dans le même esprit, l’investisseur peut proposer de créer un plan de motivation financier du management des entreprises directement lié à la production de l’additionalité inspiré du mécanisme de développement propre (credits carbone).

Par exemple, on pourrait concevoir un plan de stock-options significatif directement lié à l’atteinte des résultats d’impact. Dans ce dispositif, l’attribution des stocks pourrait se faire en échange de la preuve de l’additionalité produite, sorte de Crédits stocks.

Autre exemple, l’échange de preuves d’additionalités pourraient permettre un partage des frais de gestion ou de l’intéressement financier avec des actions philanthropiques.

L’effectivité de la gestion des fonds à impact peut donc uniquement se concevoir à long terme et dans ce cas, la rigueur de la mesure de l’additionalité et la production de preuves de réalisations issues du reporting d’impact ouvrent la perspective à de nouvelles logiques de création et de distribution de la valeur financée et produite.

Prouver son impact

Élaboration d’un reporting d’impact robuste, intègre et transparent repose sur le respect des contraintes de mesure établies dans ce protocole. Ces contraintes sont entre autres :

  • De documenter le déploiement de la stratégie d’impact à chaque étape du processus d’investissement : sélection des entreprises, vie du portefeuille et sortie du portefeuille.
  • De démontrer la pertinence et l’exactitude des résultats des indicateurs en fonction du contexte : selon la place de l’impact dans la chaîne de valeur (résultats, activité), la contribution de l’investisseur à la réalisation de l’impact (attribution de l’additionalité), la robustesse des données (périmètre, justification du choix du quantitatif, qualitatif), la durée temporelle couverte par la mesure d’impact, la justification du choix de consolidation ou non, le partage des méthodologies de calcul, les hypothèses, incertitudes et marges d’erreur et les limites / difficultés rencontrées dans l’exécution des projets.
  • De faire réaliser une revue indépendante de la performance impact et du reporting associé (par des experts ou par une instance dont la gouvernance est indépendante).
  • De s’assurer que les indicateurs d’un portefeuille soient comparables : il doit être possible de comparer l’impact obtenu avec un scénario de référence (additionalité) lié à un contexte similaire,

Valoriser l’additionalité

La démarche d’impact doit être intégrée au processus d’investissement du fonds et recouvrer l’essentiel des actifs présents en portefeuille. L’additionalité est souvent considérée comme un facteur de risque complexe à couvrir qui pourrait s’exprimer par une remise en cause par le marché de la valeur des actifs en portefeuille ou la valeur intrinsèque du fonds. Cette complexité réside dans la définition de l’additionalité et la transparence sur le respect des preuves collectées permettant de la démontrer.

Contrairement à l’intentionnalité, une démarche d’additionalité standard ne peut pas couvrir 100% du portefeuille. Souvent difficile à mettre en oeuvre, le protocole permettant de produire les résultats d’impact doit s’adapter au cas par cas et faire l’objet d’une méthodologie rigoureuse étayée autant que possible par des travaux académiques.

La capacité d’additionalité doit ainsi être le reflet d’une gestion active avec des moyens alloués à la mesure du portefeuille et de la nature des sous gestion.

La complexité de ce calcul décroit cependant de plus en plus. Au fur et à mesure de la publication de travaux menés, de partages d’expérience, de la mise en commun de référentiels de mesures d’impact et de réseaux de comptabilisation (pour éviter les doubles comptages). Citons par exemple les bases de données de l’ADEME et de la commission Européenne, ou le réseau blockchain d’impact de SmartB

Dans certains cas, le critère d’additionnalité peut être présumé atteint de manière assez aisée. Par exemple : • Lorsque les investissement R&D de l’entreprise ont un objectif d’impact social ou environnemental et ne produisent pas d’externalités commercialisables et sont donc difficilement finançables par le marché.

• Ou lorsque l’investisseur décide d’investir dans des marchés émergents ou en amorçage sur des entreprises non cotées. L’allocation à des projets, dans des secteurs ou des zones géographiques peu ou pas financés permettent de justifier l’additionalité par accroissement du financement qui ne trouverait sinon pas d’autres sources de financement.

Notre additionalité conditionnera le monde de demain.

Cette série d’article a tenté de faire prendre conscience du rôle majeur de l’additionalité dans le développement de la finance à impact.

La coordination à l’échelle de l’intention d’investissement des fonds et des entreprises, la capacité de mesurer et de comptabiliser à l’échelle et de manière exacte son additionalité nécessiteront une coopération et une coordination à l’échelle mondiale. Au delà du green washing, l’atteinte réelle des objectifs de développement durable ne pourra se faire que sur l’atteinte d’un consensus sur les mesures d’additionalité.

Le summit additionality.wtf organisé en ligne le 26 octobre a pour objectif en amont de la COP26 de porter le sujet de l’additionalité au-devant de la scène. Des experts, des fonds à impact, des ONG ainsi des entrepreneurs engagés viendront partager leurs réalisations concrètes et leurs expériences avec tous les participants.

Si le sujet de la finance d’impact vous intéresse, une session y sera consacrée. Si vous avez lu cet article jusqu’ici, contactez nous sur team@additionality.wtf pour plus d’info ou recevoir une invitation gratuite !

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